Publié le 18 septembre 2025
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Mis à jour le 17 novembre 2025
« Le moustique-tigre, révélateur du décalage entre action publique institutionnelle et adaptations citoyennes dans la construction des problèmes publics »
Cette thèse interroge la manière dont Aedes albopictus, ou moustique-tigre, s’est progressivement imposé comme un problème public en France métropolitaine. Espèce invasive et vecteur de maladie (dengue, chikungunya, Zika), il est aussi perçu comme une nuisance domestique du quotidien, intrusive et persistante. L’analyse repose sur une enquête mixte conduite en Occitanie, combinant entretiens auprès d’acteurs institutionnels et de citoyens, ainsi qu’un questionnaire diffusé à l’échelle régionale. L’étude et en évidence deux logiques d’action.
La première, institutionnelle, repose sur une organisation multi-niveaux (État, ARS, agences spécialisées, collectivités) orientée vers la prévention sanitaire et la lutte anti-vectorielle. Elle est structurée par une temporalité longue, des dispositifs techniques et un cadrage biomédical du risque. La seconde, plus nuancée, relève d’une « action publique informelle » portée par les citoyens, qui qualifient d’abord le moustique-tigre comme gêne sensible et perturbation ordinaire. Leurs réponses prennent la forme de pratiques situées : gestes de protection individuels, échanges de proximité, initiatives locales ou collectives.
En adoptant une approche pragmatique, nourrie par la sociologie des problèmes publics et des épreuves, cette thèse montre que ces deux registres peuvent se déployer de manière parallèle ou s’entrecroise, parfois en complémentarité, parfois en tension. L’écart entre cadrages institutionnels et expériences vécues révèle la pluralité des représentations du moustique-tigre : à la fois risque sanitaire abstrait et nuisance concrète.
Le moustique-tigre apparaît ainsi comme un révélateur des reconfigurations contemporaines de l’action publique. Il illustre les difficultés à transformer une nuisance domestique en enjeu collectif, et montre que la légitimité des politiques publiques ne peut reposer uniquement sur l’expertise scientifique et la régulation descendante. Elle dépend de leur capacité à reconnaître et intégrer les connaissances, les expériences sensibles et les logiques d’adaptation ordinaires des citoyens. En ce sens, la thèse propose de penser la gouvernance du moustique-tigre comme un processus de co-construction, où se redéfinissent les frontières entre sphère privée et sphère publique, entre expertise et vécu, entre prévention institutionnelle et pratiques citoyennes.
Directeurs :
- Philippe Terral
- Geoffrey Carrère
Jury :
- Cyril Lemieux, sociologue, directeur d'études à l'EHESS (examinateur)
- Patrick Peretti-Watel, sociologue, directeur de recherche à l'INSERM (rapporteur)
- Jocelyn Raude, psycho-sociologue, directeur de recherche à l'INSERM (rapporteur)
- Philippe Terral, sociologue, professeur des universités (directeur de thèse)
- Geoffrey Carrère, sociologue, maître de conférences (co-directeur de thèse)
Financeurs :
- Santé publique France
- Défi Clé RIVOC
Lieu(x)
Toulouse
Université Toulouse – Paul Sabatier